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Textes

Petits dessins et pelleteux de mirages (2015)

Impressions d’un coucher de sommeil.

Deux lunes me regardent l’air impossible.

L’architecture comme vivant et le vivant comme architecture.

Du corps.

 

Corridors pendant dix-sept couleurs et dix-sept nuits.

L’univers est grand, aussi invraisemblable que cela puisse être vraisemblable,

mais j’ai trouvé où le sommeil se couche :

 

Sur le doux sérieux de ta page aux dix-sept portes rigolantes.

Sous l’étang, après le rêve, premier soupir à gauche.

Sous l’étrange, après le rêve, premier sourire à gauche.

Sous le temps, après le rêve, premier fou rire à gauche.

Communautés des Canopées Libres (2016)

Petites créatures minuscules

Petites créatures des célestes canopées

 

Le regard d’une communauté translucide

me transperce délicieusement le cœur

 

Je tombe du haut des grands arbres,

qui abritent nos cités sylvestres,

d’amour vert comme la forêt immense,

 

de la feuille, de l’être qui me rattrape,

in extremis,

in extremis,

in extremis.

Révolutions en forme de rivière (2016)

 

I – méditation :

 

Sachons les histoires des corps.

De coulantes modestes rivières,

de barques, d’envolées d’oiseaux.
À flots, à rames, à nage.

À respiration égale,

Nous arriverons toutes et tous ensembles.

II – Luttes!

 

Sachons le cœur des idées,

palpitantes et saignantes de souffrance d’autrui

De quoi, de qui, de comment,
du pourquoi des rivières de sueurs,

des rivières de pleurs, des rivières d’espoir.
À armes égales,

nous n’en viendrons jamais à bout.

 

III – (jeu)

 

La rivière rencontre ses semblables

au milieu de la nuit sèche.

Ramifications, arborescences tortueuses,
grand labyrinthe nommé jeu,

nommé lumière, nommé danse.
À force de chanter de l’eau,
nous pleuverons ces révolutions.

L’étang sur le bord de la falaise (2017)

L’étang sur le bord de la falaise.

 

Un liquide fumant est versé dans les coupes. Ses vapeurs m’endorment. Les ombrages et les lumières me nappent d’une fine bruine de fatigue. Les bruissements festifs de mes ami.e.s me chatouillent les oreilles. Enivrante, cette histoire racontée à l’autre bout de la table… mais je ne l’écoute pas. Je m’endors.

 

De toute façon je la connais déjà. Les grands mangeant les petits ! Vieille histoire… temps d’êtres à toutes choses et temps de redire bouche sèche ce qui fut dit et pourtant ne change pas, n’agit pas, ne fléchit ni ne réfléchit… que les grands ne sont que des petits qui ont trop mangé !

 

Temps d’être à toute chose, et de ne plus rien dire. J’ai assez dit, assez parlé. Il me semble que tout ce que je dis a déjà été dit mille fois… je vais donc me coucher et dormir.

 

Le tourbillon onirique m’emporte. Je rêve aux riches qui mangent les pauvres, à des univers qui s’entredévorent, des lieux pleins de couleurs, des paysages étranges. Je suis arrivé au bout de ce qui existe, j’en suis convaincu. L’étang sur le bord de la falaise. Une falaise s’étendant jusqu’à l’infini vers le ciel. Derrière moi une forêt, tout ce qui tient lieu d’existence. Les deux pieds dans la vase de l’étang, les roseaux me chatouillent les jambes. Le bout de mes doigts est incandescent mais je n’ai pas mal, la chaleur provient de l’intérieur de moi, ou plutôt est produite par moi.

Puis le rêve a changé, je ne me rappelle plus…

L’étang au pied de la falaise (2018)

I – Lieu de Sérénité

 

Lieu d’eau en souffle

À peine une larme à la surface

Corps pressé contre sol, contre fleurs,

Repose en soi, dans l’étang

 

Seul le silence a droit de parole

Et il chante

Et il chante

Et il chante, dans l’étang

 

II – Les temps d’essoufflements

 

Au-delà,

En des lieux hors de l’étang,

Hors des temps,

Le silence s’est tu

Est-il mort?

 

Machines et blocs de roches s’entrechoquent

Le Capital a droit de parole

Et il parle

Et il parle

Et il parle

 

De ses diphtongues métalliques,

De ses phonèmes génériques,

Il parle du temps qui tombe

Comme marchandise au soleil

Temps-étang transformé en temps-scintillant

Temps-luminosité

Temps-argent

 

Et il parle

 

Fi ! du Sommeil

Fi ! du Songe

Fi ! du Souffle de la Nuit

 

III – Du haut de l’improbable falaise

 

Ici, temps d’être à toute chose

Et de ne plus rien dire

Du haut de l’improbable falaise

Qui monte à l’infini vers le ciel

 

Au sommet,

Souffle d’eau en fleur,

Pressé contre soi,

Contre cœur

 

Seul le Silence

Entends

Entends

Entends

Une table sous l'océan (2018)

Préfiguration...

Créer un petit impensable pour prouver l'immense impossible.

Créer le maintenant, ici, tout de suite, sans attendre.

 

Au fond, sous l'eau,
Tout n'est que fruit océanique,

Fruit mur,

Fruit sec,

Fruit moite,

Fruit pourri,

Fruit juteux,

Fruit bourgeonnant, bougeant, buvant d'anciennes fleurs rouges et noires,

avec de timides épines qui ne veulent pas se laisser faire,

convaincues qu'elles ont raison de piquer,

convaincues qu'il ne faut pas trop piquer, quand même.

 

Une petite forêt de plumes qui piquent, trempées d'encre, piquées droites sur une table.

Un ciel d'encre à boire debout. Une bouche ouverte. Et une soif à couper l'appétit.

 

Engloutir l'océan à force de trop vouloir.

 

...

 

 

Pourquoi est-ce que ce serait moins beau que la Lune?

 

Il y a une joie, il y a un danger, à ce rythme effrené ou frénétique.

Ne pourrais-tu pas transférer ton émerveillement lunaire, ici, sur Terre?
Ici où toute eau n'est que sueur, pleur et océan de fleurs rouges et noires.

Il y a une joie, il y a un danger, à cette abstraction, à cette poésie froide comme la vague.

 

Je sais que tu t'émerveilles, mais pourquoi ne pourrais-tu pas t'émerveiller de l'émerveillement lui-même? Une fois qu'on a gouté à cet astre, on veut y mettre les pieds maladroitement... les autres rougiront, ému.e.s de notre optimisme sincère.

Engloutir l'océan à force de trop méditer.

Aucune certitude d'une quelconque finitude (2020)

Discerner les détails

Lorsque les lignes

Se couchent sur les couleurs
Elles crachent leurs ombres chaotiques

De la montagne au lac, du lac au vent, du vent à l'oeil plissé qui regarde, voir
Aucune certitude d'une quelconque finitude


Ces mélodies apprises sur la route des quenouilles racontent la langue des ancêtres, nos soleils, nos lumières, nos poètes, nos mères et celles et ceux qui ont fait de nous qui nous sommes.
 

Des êtres de vibrations

Ensemble dans notre solitude,
Au milieu de l'onde,
Comme l'onde est sur le lac,
Dans la multitude et pourtant chacune de son point de départ,
Des natures tracées à même la mathématique de l'eau

Nos ancêtres racontaient qu'il y a avait des milliers de langues sur la Planète. Des milliers de musiques phonétiques. Des milliers de façons de créer du sens. Des milliers de façons de dire presque la même chose, ensemble et pourtant différement, chacune de son point de départ, et avec sa trajectoire propre.

Quelle beauté!
Quel étourdissement!
Aucune, vraiment aucune certitude d'une quelconque finitude!

Complexité Linguistique (2022)

 

La turlute des stomates

La langue des bruissements feuillus

L'entrechoc des jeux d'eau, d'air et de lumière

Complexité linguistique

C'est Lui Qui Scribe Tout (2022)

 

Vous ne croyez pas si bien dire quand vous dites qu'il n'y pas d'opposition entre nature et spiritualité. Pour être tout à fait candide, l'intimité de coucher une lettre sur papier est pour moi un acte de communion avec les gens qui nous précèdent, de la route des bois, aux tours d'ivoires, aux rivières d'encre.

 

Et c'est assez troublant de réaliser que tout ce travail d'écriture, ce labeur, qui n'est que du dessin, le dessein matériel de notre for spirituel, est destiné parfois à tomber dans l'oubli ou du moins dans la sourde oreille de la civilisation, elle qui pourtant est le fruit de tous les chants de louanges et de partage.

 

Mais moi au contraire, je me réjoui, je m'exalte, je me prosterne d'avoir pu être éveillé à tout ce qui m'entoure, absordant le monde avec bien plus d'humanité que la plupart de mes camarades, m'efforçant de leur rendre avec tout mon amour.

 

Et c'est donc en toute sincérité que j'accepte ces honneurs, et que la société m'ouvre ainsi ses portes et me donne l'opportunité de renverser les préjugés les plus tenaces sur les scribes qui comme moi oeuvrent au bien de la communauté et font preuve de... de l'altruisme, le plus, le plus... le plus désintéressé.

Poème Néolithique (2022)

 

Qui s'agenouille

Soleil levé, soleil couché

Pour tendre à la terre

Qui pousse vers le ciel?

Merci aux vallées fluviales

 

Qui de ses mains meut

Les couleurs du temps, les couleurs des morts

Pour faire miroir sur la pierre

Comme l'eau fait parler le lointain?

Merci aux sagesses dessinantes

 

Qui de toutes les sagesses sait nous abreuver de lumière

Quand le désarroi et l'angoisse nous assèchent.

Merci aux mémoires-fleuves

 

Paroles vivantes, récits des vies pareilles aux nôtres

Voies pour le nouveau, voies pour le courage des temps durs.

 

Que l'avenir soit clément! Mais s'il ne l'est pas,

Que règne le commun de nos différences!

Que règne la géométrie divine de nos esprits alignés!

Et que personne ne meurt de faim à moins que nous en mourrions toutes!

Statue: Dauphin (2022)

 

Au centre de la cité des arbres tronait une immense statue plurimillénaire, abandonnée au temps et à l'étreinte des figuiers étrangleurs. Sur cette statue, une inscription qui, si la langue dans laquelle elle était écrite n'était pas morte, se lirait comme suit:

 

Doublement surprises par la vague,

La fluidité des forces,

La pétrification des êtres

 

Sur un frêle esquif,

Le passage houleux

de la tristesse à la joie

 

Sur le lac de la désabsurdification du monde,

Avant que le temps ne prenne fin,

Tari d'idée de la fin du monde.

Ce qui est dit par la bouche des feuilles (2022)

 

- Ô feuille!

- Chère feuille!

- Dites la sève qui vous fait penser, là, soleil luisant.

- Goutte, j'ai une très bonne idée, là, doux firmament. Sous le vent, avez-vous remarqué que nous sommes des milliers?

- Certes, j'entends la cacophonie des lueurs de l'aube et les combats de la faim. La lumière est pourtant abondante et le ciel nous abreuve à l'infini.

- Bien. Mais écoutons, en de rares instants quand - le vent ne troublant pas nos pensées, nos voix, le tronc de nos âmes - l'essence de nos bois transforme le chaos en art, la discorde en conversation et le fracas des gouttes de pluie en harmonie rythmique. Nous formons alors un esprit plus vaste que nous-mêmes, pauvres feuilles.

- Et alors, votre idée, quelle est-elle? Je veux la savoir!

-Je crois que je ne suis pas la seule à l'avoir réalisée. Réunissons-nous pour en discuter. Voyons, voyons où cela peut nous mener...

Ce qui est vu par l’œil de la forêt (2022)

 

Du grand air au bas tréfond, le réseau des toiles de sa conscience de la saga – l'ahurissante rébellion de vie sur la roche dure de la Terre – voit son bonheur, son malheur et sa raison d'être né. Son mystère enfin percé par le miroir de sa pensée.

 

Tant de centaines de millions d'années nous contemplent du haut de ses canopées, qui prennent conscience d'être le plus grand être à jamais exister.

 

''Je me vois, communauté d'écosystèmes éblouissants

théâtre des bourgeons heureux,

mur du sommeil des fleurs,

récits moussus des drames fongiques,

musiques des vents anciens,

statues d'écorces,

parfums des racines amoureuses,

aubier de la mémoire du monde,

fête des fruits féconds,

chorégraphie des feuillages libres.''

 

Possible immortalité, infinie diversité, la Forêt, l'assemblée paisible du vivant, est enfin créée.

Statue: Nyctale (2023)

 

Ô Lune, j'harmonise ton chant

Ô Nuit, ton coeur éclaire le chemin des arbres

 

Hélas, mon chant saigne,

Gravité dans l'extrême obscur,

Tristesse de celle qui fauche sans bruit.

 

Ô Lune, j'harmonise ton chant

Ô Nuit, ton coeur éclaire le chemin des arbres

 

Hélas, mon coeur baigne

dans le fluide de leurs regards,

Ces yeux fiers qui fuient la mort.

 

 

Ô Lune, j'harmonise ton chant

Ô Nuit, ton coeur éclaire le chemin des arbres

 

Ô Proie, je prierai pour toi,

Soleil levé, j'adresserai mes prières à une déesse

qui te passes mille ailes au-dessus de la tête.

 

Qui que tu sois,

Je sais que tu souffres,

Et je souhaite la vie de ton monde comme du mien.

 

Hélas, tristesse de celle qui s'envole,

Et voit de haut le silence des morts,

Gravité dans l'extrême obscur,

Volés de leur vie, pour la mienne.

 

 

Ô Lune, j'harmonise ton chant

Ô Nuit, ton coeur éclaire le chemin des arbres

Que restera-t-il de notre temple? (2023)

 

Ô Humains, que restera-t-il de notre temple?

Ô Humains, que restera-t-il de nos esprits alignés?


Gloire au chemin! Gloire au ruissellement des larmes créatives!

Lorsque le terreau est suffisamment fertilisé par nos gouttes de joie, de colère et de tristesse laissées derrière en chemin, nos enfants pourront suivre la route des fleurs vers la clairière.

 

Au soleil reposé-es, de ce temple herbacé ielles partiront,

frayant leur chemin vers d'autres lieux.

Chemins vers la clairière (2023)


 

Chemins vers la clairière - I

Petites créatures des célestes canopées

Qui s'évertuent à célébrer la vertu

du vert gradient des sylvestres tonalités.

 

Par le feu et la pluie, par la sécheresse

et le suintement des étendues humides,

 

le courage du renouvellement des êtres

morcelle délicatement mon esprit.

 

Tout n'a pas été, et ne sera jamais plus,

Tel que lu

Tel que vu

Tel que su

Chemins vers la clairière - II

Créatures assourdies

par la chute des grands arbres.

 

Nous chantons le deuil des grands êtres,

leur dépouille, leur métamorphose en lieu de fête.

 

Dans la clairière,

le banquet des grandes créatures

est un banquet de lumière

 

pour celleux pour qui diversité est nécessité,

pour qui l'oeil de la forêt doit s'ouvrir et se fermer.

 

La clairière se blottit et s'envole,

absorbée dans le rêve de la canopée.

Chemins vers la clairière - III

Je dors ici.

 

Canopées protectrices

Douces couvertures en contrepoint

d'ombres délicates

Sanctuaire de calme

 

Percées de théâtre,

des faisceaux du monde extérieur

derrière les rideaux de brume.

 

Jeux d'ombres en motifs humides, l'eau à fleur de peau.

 

Le dos de la tête tapi contre feuille,

je suis trop ébloui par la mosaïque du ciel.

 

La joue pressée contre terre, contre moite,

les troncs s'élèvent à angle droit vers le sommeil. C'est mieux.

 

Et toi, ton chemin de racines glissantes, où te mène-t-il?

As-tu où t'abriter?

 

Chemins vers la clairière - IV

Des diverses façons de faire entrer en relation deux communautés,

des communautés distinctes qui émergent de ces relations.

 

I -

Écotone en contrepoint de notes contrastées de vert.

Son corps est assuré par des bras solides,

Se mouvant en dialectique d'autorenforcement,

Protégé d'un côté par l'ombre, l'abri et le calme,

et de l'autre par le festoiement du feu, de la lumière, et le banquet des grandes créatures.

Sa communauté est forte de la cohabitation de ses différences.

 

II -

Mais son corps mouvant et fluide

fait de la perpétuelle tension son chemin,

L'union de ses oppositions étant sa force, et sa fragilité.

Son équilibre acrobatique fait de sa précarité sa danse,

dissonée par les pluies,

la longueur des saisons,

le souffle du chaud, du froid,

et la parade polyphonique des créatures en chemin.

 

Y regarder de plus près, sa sensibilité révèle

la nature de la Nature.

 

III -

Ce même état naturel peut générer deux écosystèmes différents, et un troisième en écotone, révèlant la persistance sinueuse des chemins de l'Histoire. Les accidents de l'Histoire influencent, plus que les conditions de base, la réalité des communautés qui s'y meuvent. Ainsi la Terre est en mouvement perpétuel et la causalité des états est d'une fluidité insaisissable.

 

Tels sont les chemins vers la clairière.

(Une vision artistique, émerveillée et naïve de la magnifique science des écosystèmes)

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